Après plusieurs semaines de réflexion autour de la fin de saison 2019/2020 et des circonstances de reprise pour le prochain exercice, Julien Desbottes revient dans un long entretien sur les décisions prises ces derniers jours, l’envie de rejoindre l’Europe, la situation du club et le visage du futur effectif.

Pour terminer, le président de la JL Bourg Basket, Julien Desbottes, évoque avec nous les contours de l’effectif pour le prochain exercice, l’Ain Star Game 2020 et également les perspectives pour le club avec un cycle qui pourrait arriver à son terme prochainement.

On ne sait pas quand commencera la saison régulière 2020/2021, mais on sent que chaque club est dans les starting blocs. Quels seront les objectifs ?

Pour la date de commencement, ce qui est envisagé pour le moment, mais ça pourra être faux dans 24 heures, c’est le 15 septembre pour finir le 15 juin puisque les Jeux olympiques ont été décalés, il faut absolument que nous ayons terminé notre saison au 15 juin. C’est l’idéal pour inclure les Play-offs et toutes les rencontres. La bonne nouvelle c’est qu’unanimement, le basket français a dit qu’il ne voulait pas jouer à huis clos et c’est en lien direct avec ce que j’ai dit sur le respect de nos partenaires et de nos abonnés. Jouer avec quinze personnes dans la salle est un contre sens total et je n’y vois aucune âme et aucun point positif. Tant que ça sera possible de tenir et d’envisager un calendrier, même condenser, sans jouer à huis clos, c’est une très bonne nouvelle. On pourra partager des émotions. Mais dans une semaine, on saura peut-être que nous ne pourrons pas reprendre avant octobre.

Au niveau de nos ambitions, nous voulons toujours cranter notre évolution. Comme toujours, nous devons attendre ce qui va se passer. Si on joue l’Europe, on sait qu’on devra lâcher quelques matchs en championnat par la fatigue. Il faudra qu’on se prépare à se mettre dans une courbe de résultat différente des trois dernières années où nous avons commencé très fort avant, parfois en fin de saison, d’être limite physiquement. Ceci même si on équilibrait le bilan, même si l’année dernière on a terminé à une victoire du sixième avec le meilleur bilan historique du club. Chaque saison nous avons progressé et je dirais qu’il faudra arriver à la fin de la saison 2020/2021 en aillant gagné deux matchs sur trois, comme où nous en étions cette année. N’oublions pas que cette année, nous avons terminé cinquièmes et il manquait, évidemment, des matchs, mais nous étions bien calés. On flirte avec cette zone cinq-six-sept-huit et c’est donc l’objectif donné. Bien sûr, si on pouvait être à la place de Dijon l’an prochain, on ne s’en privera pas. J’ai envie de dire pourquoi pas ?

Point de vue construction d’équipe, où en sommes-nous aujourd’hui ?

Ce qui est drôle, c’est qu’on me demande souvent qui ne reste pas. Personnellement, ce qui m’intéresse par définition ce sont ceux qui restent dans le but de conserver une colonne vertébrale la plus solide possible et gage de stabilité pour notre club par rapport à un certain nombre d’autres équipes.

On garde au final six joueurs de l’année dernière avec les deux Zack (Peacock et Wright), Pierre Pelos, Maxime Courby, Hugo Benitez et Danilo Andjusic. On a aussi Théo Rey qui va intégrer le groupe professionnel donc sur onze joueurs pros, on en aura sept de l’année dernière. Ensuite, pour les autres, on ne résonne pas en disant “celui-là on ne le garde pas”. On attend de voir, car c’est un puzzle une équipe de basket. Un équilibre pour que tout le monde ait sa place pleine et entière. Forcément, il y a des chevauchements de poste avec un meneur qui est un peu arrière et inversement. Tout ça est un subtil équilibre autour duquel Fred Sarre et Savo Vučević travaillent énormément pour que chacun ait sa voix d’expression. Une équipe mal équilibrée au départ avec des chevauchements de poste trop important crée des rivalités pas toujours positives. Nous avons posé notre squelette d’effectif avec des gens clés.

Donc on dit Zack Peacock qui est le totem de notre équipe, Danilo parce qu’il a fait une superbe saison, Zack Wright parce qu’il apporte beaucoup de choses sportivement et humainement. On dit Hugo parce que c’est un talent de notre club et je n’aurais pas supporté qu’il ne soit pas à la JL dans l’équipe professionnelle. On a pris Thibault Daval-Braquet également qui va apporter une dimension un peu plus prospective que Fréjus qui est adorable, mais qui a des perspectives moins importantes qu’un jeune de vingt et un an. On construit notre ossature et on va essayer d’intercaler des nouvelles pièces et on se pose la question si Garrett Sim peut correspondre ou non. Oui, il peut correspondre sauf que la difficulté est qu’il a fait une année blanche et qu’on se demande si on ne prend pas trop de risque physiquement à avoir Wright opéré du dos il y a un an, notre jeune Hugo qui ne faut pas mettre dans une disposition de responsabilité trop surdimensionnée. Ainsi, compte tenu de son état physique, probablement il ne sera pas chez nous l’année prochaine. Mais peut-être, on va se dire que finalement, entre différentes opportunités, il faudra que ça soit lui. Si Garrett avait joué la totalité de la saison avec les Play-offs, on aurait sûrement pu envisager une suite. C’est plus une question de ne pas prendre trop de risque sur des joueurs qui ont été physiquement atteints ces deux dernières saisons, surtout s’il y a soixante matchs. Probablement pas Jackie Carmichael également qui avait des performances en dent-de-scie. Peut-être Chris Johnson et cela dépendra aussi d’opportunités qu’on pourra avoir dans le futur. Il ne faut pas oublier que quand on a pris Chris, il n’y avait pas Danilo. Par conséquent, à partir du moment où on dit qu’on veut mettre Danilo dans notre colonne vertébrale, forcément, ça repositionne des choses. Comme on est au mois de mai, on va aller chercher le profil idéal, mais finalement Chris Johnson sera peut-être celui qu’il nous faut. On ne referme pas les dossiers brutalement, sauf exception.

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L'avenir de Chris Johnson (au centre) et Garrett Sim n'est pas encore scellé. Cela semble différent pour Jackie Carmichael (à droite) © Christelle Gouttefarde

"Les jeunes seront dans les meilleures conditions possibles pour éclore"

Vous aviez évoqué la mise en pause du projet jeune, mais celui-ci semble reprendre forme avec la signature longue durée d’Hugo Benitez, l’arrivée de Thibault Daval-Braquet et comme il a été dit, l’intégration de Théo Rey. Johan Randriamananjara sera-t-il de la partie ?

Probablement pas, mais on ne ferme pas complètement la porte, car c’est un super gars et joueur. Mais là encore, c’est une question d’aspect économique où nous devons nous renforcer sur certains postes. Si on a les moyens d’être douze au lieu de onze et d’avoir Johan dans l’équipe avec la possibilité d’avoir une voix d’expression, ce ne sera pas impossible.

Vous parliez également du modèle chalonnais qui faisait jouer les jeunes lors des Coupes d’Europe. Est-ce le sens porté pour la construction d’équipe ?

Complètement. C’est évident que pour des jeunes, ça va être une chance énorme d’avoir deux rencontres par semaine. En BCL c’est au total quatorze matchs. Au lieu de trente-quatre, c’est quarante-huit a minima sans les Play-offs et la Coupe de France. Ils vont avoir des minutes qui vont leur donner l’opportunité d’avoir la chance de briller. Maintenant, ça va être à eux de la saisir et je ne doute pas qu’ils sont dans les meilleures conditions possibles pour le faire sachant que Savo est là depuis cinq ans et qu’il les connaît. Il les a vu évoluer, ils sont dans leur club de coeur et forcément c’est plus simple de prendre ses responsabilités quand on sait qu’on a de facto l’adhésion de tout l’environnement du club en partant du président jusqu’au public. Ils seront donc dans les meilleures conditions possibles pour éclore. L’enjeu sportif est la victoire, mais aussi un moment où dans la gestion des minutes, la perception pour les joueurs qui joueraient un peu moins en championnat ne sera pas la même que quand c’est un match par semaine. Cela génère moins de frustration quand on sait qu’un match arrive très vite et dans le management des temps de jeu, cela sera plus simple.

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La JL mise son avenir sur Hugo Benitez © Christelle Gouttefarde
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Ainsi que Théo Rey © Christelle Gouttefarde

"Certains ont d'ores et déjà exprimé le souhait de poursuivre avec nous"

Le départ de Garrett Sim, s’il était acté, marquera un premier tournant dans les dernières années du club et certains autres seront en fin de contrat l’an prochain (Courby, Pelos, Peacock, Wright). Est-ce compliqué de tourner la page avec ce genre de joueurs fidèles ?

Le problème c’est que je suis un cœur tendre et donc forcément quand on a construit cette belle histoire avec Zack Peacock, avec Maxime, forcément on a une boule au ventre de partir dans un nouveau cycle. Dans la construction d’équipe de 2020/2021, on connaît les échéances que certains ont et on sait aussi que certains ont d’ores et déjà exprimé le souhait de poursuivre. Ils se rendent bien compte qu’ils sont dans un des clubs qui a le plus avancé dans les cinq ou dix dernières années. Il y a quoi ? ASVEL, Monaco. Mais tous les joueurs ne peuvent pas prétendre faire partie de cet effectif. Boulogne, Dijon et Nanterre, on est un peu dans ce spectre-là à l’heure H. Notre challenge c’est d’y rester. Nos infrastructures nous ont aussi beaucoup aidé à pérenniser notre équipe. Il faut donc absolument que dans notre construction d’équipe, on finisse notre puzzle. 

Pour détailler un peu plus, ce qui m’embête pour Garrett c’est que comme on n’a pas pu terminer la saison, il n’a pas eu du tout l’hommage qu’on méritait. Par exemple pour Zack Peacock, devant les partenaires en fin de saison, il m’est arrivé de dire : “c’est peut-être la dernière fois qu’on voit Zack avec le maillot de la JL et il faut lui rendre hommage. Mais il n’est peut-être pas encore parti”. Et la preuve, il est resté chez nous et ça m’a donné l’occasion de le mettre en avant et de lui rendre une partie, modeste, de ce qu’il nous a donné. Il faut donc se préparer comme dans tout sport professionnel avec cette capacité à se remettre en cause, à passer outre l’affectif, c’est très important. Je ne dis pas qu’on va prendre des décisions majeures, mais il faudra être contre nature sur certaines d’entre elles pour réussir à privilégier ce qui nous semble être l’intérêt du club.

Au niveau du staff, on avait entendu parler d’un deuxième assistant obligatoire. Cette décision est suspendue à la vue des circonstances. Aux côtés de Gérald Simon, Boban Savovic sera-t-il toujours là ?

De toute façon, on avait décidé de garder Boban, car il est précieux. Mais malheureusement, compte tenu de son pedigree, il n’a pas les diplômes qui pourraient lui permettre d’être considéré comme second assistant. En France, on a une vision extrêmement étriquée de ce sujet puisqu’il faut se souvenir que le coach de Monaco, Saša Obradović, a dû coacher depuis les tribunes avant d’avoir le tampon sur son papier alors qu’il avait été coach dans beaucoup de grands pays d’Europe avec beaucoup de succès en plus. Aujourd’hui, cette décision nous arrange et nous soulage un peu économiquement, car elle nous évite de venir greffer encore une personne supplémentaire. 

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Le staff restera inchangé © Jacques Cormarèche

Généralement, la JL Bourg organise avec la section amateur l’Ain Star Game en début de saison. Pensez-vous que ce tournoi qui s’est désormais fait un nom pourra avoir lieu cette année ?

Ça fait partie du processus de remise en forme de nos troupes, qui sera probablement un peu plus long que d’habitude puisque l’interruption aura été plus longue. À ce jour, chacun continue à se remettre en forme, les joueurs ont accès à la salle désormais avec des ballons individuels, la machine à shoot qui leur permet d’être en autonomie complète. Forcément il y aura des rencontres amicales, ainsi nous allons essayer d’organiser un Ain Star Game uniquement à Ekinox, contrairement aux dernières éditions qui étaient un peu plus larges. Peut-être l’idée de revenir sur le format antérieur avec quatre équipes et idéalement rêver qu’il soit ouvert au public (NDLR : La ministre des Sports Roxana Maracineanu a confirmé samedi dernier que les stades pourraient accueillir jusqu’à 5000 personnes à partir de juillet notamment pour des compétitions amicales). Comme je le disais en introduction, ces matchs nous manquent tellement que même un amical suffirait déjà à nous nourrir un petit peu. C’est un peu comme quand on traverse tout le désert sans eau, on a besoin d’une oasis. Peut-être avec une configuration, même à 50 % de jauge, on peut peut-être insérer un Ain Star Game modèle antérieur avec nos abonnés et nos partenaires. C’est déjà ce que je souhaiterai beaucoup afin de nous redonner du baume au cœur. 

Auriez-vous un dernier message à faire passer notamment aux supporters, bénévoles et partenaires qui sont impatients de revenir du côté d’Ekinox ?

Je me rends compte de ce que le club représente dans le cœur des gens, dans leur vie. Encore hier soir, j’étais avec un couple d’amis qui me disait : “ça nous manque terriblement”. Tout cela en rajoute à ma motivation parce que je me dis que c’est important dans la vie d’un certain nombre de personnes. Je prends cette responsabilité avec enthousiasme et avec beaucoup d’ambition comme vous le savez. Je vais essayer de tout faire pour que ça dure. Pour moi, il est surtout prépondérant que pour le prochain exercice, on consolide ce qu’on a fait sur les dernières saisons et qu’on aille chercher nos Play-offs dans une saison complète pour finir en partageant avec notre public, tous ceux qu’on aime. Il n’y a pas de joie plus intense que de pouvoir gagner, de pouvoir voir le bonheur dans le regard des autres. En somme, le message est de se tourner vers l’avant, la prospective, en se disant qu’on a tous pu prendre du recul avec ce virus au niveau professionnel, familial et aussi sportif. Personnellement, j’en ressors motivé comme jamais pour continuer à faire avancer ce club de manière structurée et pour gagner dans un process le plus organisé possible avec des facteurs clés qui nous permettront de continuer à regarder vers le haut.

Merci au président de la JL Bourg de s’être livré à cœur ouvert sur le futur du club suite à ces conditions exceptionnelles.

Propos recueillis par Corentin Maréchal
©Christelle Gouttefarde