Un collègue, un ami, un coach, un symbole, une philosophie, des valeurs… Pierre Murtin a été et sera toujours tellement pour notre club, pour le monde du basket et pour chacun de nous. 

Au travers de différents témoignages, nous avons souhaité rendre hommage à cet incroyable parcours et à cet homme si unique. 

Si le coeur vous en dit, nous vous invitons donc à suivre ces lignes, où Présidents, collègues, amis et jeunes « nous racontent Pierrot ».

Ils nous racontent Pierrot

Pour démarrer cette lecture, ce sont quatre Présidents du club qui nous racontent leurs moments à ses côtés et l’homme qu’ils ont eu le plaisir de voir évoluer depuis tant d’années.

Bernard Coron

Président du club
De 1997 à 2002

Michel Fontaine

Président du club
De 2004 à 2006

Gérard Mirmand

Président du club
De 2004 à 2012

Julien Desbottes

Président du club
Depuis 2012 

"Voilà comment Pierrot est revenu à la JL."

Bernard Coron –

Je vais commencer par son arrivée à la JL parce que c’est quand même un moment fort et il faut savoir qu’il jouait à l’ASPTT de Bourg il n’était pas à la JL, il jouait en excellence régionale et pour sa formation de futur professeur de gym, il est passé par le CREPS de Nancy. Là-bas, il a connu un dénommé Jouvenet qui est un ancien joueur d’équipe de France de basket qui l’a fait rentrer au SLUC de Nancy et il a joué 3 ans là-bas. Il n’y avait pas de Pro A et Pro B à l’époque, mais il y avait N1 N2 et la JL jouait en N3, nous montons donc en N2 cette saison là, la fameuse année sans défaite. 

Pierre Murtin veut revenir dans l’Ain, à la JL. Il a un poste de prof de gym dans le coin et à l’époque, il y avait deux critères pour accepter une mutation : 1, une date limite, qui était grosso modo le 31 Août de mémoire, et de 2, il fallait une lettre de sortie du club d’où il partait. Alors que les joueurs n’étaient pas payés, il n’y avait pas un centime, il fallait donc que le Président signe et le Président de Nancy a refusé de signer cette lettre de sortie. C’est René Courtine, qui est allé voir son ami Robert Busnel à Confrançon, en lui disant voilà ce qu’il se passe et Robert Busnel (Président de la FFBB à l’époque) pris le téléphone et le lendemain nous avions la lettre de sortie. 

Voilà comment Pierrot est revenu à la JL. Et c’était à deux trois jours près, c’était très limite ! C’est vrai qu’on montait en N2 en plus, il nous fallait à tout prix un peu de renfort, il faut se souvenir qu’à l’époque, c’était un basket de clocher : le recrutement se faisait dans un rayon de 20 à 30 km, pas plus.

Michel Fontaine –

La JL dont tu parles est championne de France UFOLEP en 75, c’était les juniors et c’était vraiment le début de l’aventure basket, à ce niveau-là de la JL je veux dire, c’est dès cette période que la JL s’affirme comme un grand club formateur. Maintenant, quand tu arrives au titre de Champion de France des U18, l’arrivée en coupe d’Europe de la JL… On vit un moment extraordinaire !

Bernard Coron –

Il y a des anecdotes que je peux raconter. Par exemple à l’époque, on réunissait les joueurs dans le vestiaire du « hangar » et on leur posait la question « est ce que vous acceptez de jouer avec un Américain qui lui sera payé ? » eux ne l’étaient pas on le rappelle, et donc les joueurs votaient.

Je reviens en arrière. J’expliquais tout à l’heure que moi, à 20 ans, on m’a dit « tu es meilleur vendeur que joueur, va chercher de la publicité » et c’est comme ça que je suis devenu dirigeant à 19/20 ans à la JL. Et donc pour les joueurs, on leur versait ce qu’on appelle la caisse de solidarité qui était 10% des recettes guichet, alors ils avaient ça en fin de saison, on leur donnait l’argent et ils en faisaient ce qu’il voulait, donc souvent ils se payaient un voyage et certains demandaient à ce qu’on partage l’argent entre tous les domaines.

"Lui c’était surtout un joueur intelligent sur le terrain et très très bâtant, il était toujours à fond."

Gérard Mirmand –

Et Pierre Murtin il était plutôt suiveur ou meneur ?

Bernard Coron –

Alors Pierre il est arrivé comme joueur, mais c’était un jeune joueur, il était tout jeune prof de gym et c’est vrai que dans le groupe après, il était un joueur comme les autres. Il y avait des forts caractères comme Claude Lucot, qui était capitaine.

Alors je dirais que ce n’était pas un joueur brillant, il était un peu un joueur intermédiaire ce n’était pas un 4, ce n’était pas un 3, ce n’était pas un 5… À l’époque on faisait jouer un peu les joueurs en fonction de leur taille au poste où il fallait, c’est-à-dire que plus tu étais grand plus tu allais vers les postes 4, 5. Maintenant il y a des postes 3 qui font 2,05, c’était impensable ça à l’époque. Lui, c’était surtout un joueur intelligent sur le terrain et très très bâtant, il était toujours à fond.

"Pierre, c'était l'homme bon"

Julien Desbottes –

Il a coaché comme il jouait. J’ai joué un peu avec lui parce que quand il a arrêté de jouer il était tout cassé, les genoux etc… Je jouais dans plusieurs équipes dont avec lui en senior des fois et il était vraiment dans le collectif tout le temps. Il fallait presque le pousser à shooter, il cherchait la passe avant tout, c’était un intérieur qui distribuait, qui pivotait, qui faisait des feintes… Et comme il a formé pas mal d’intérieurs chez nous, dans les U18, chez ceux qui ont été Champions de France, et bien on retrouve beaucoup ses mouvements répétés, c’est des joueurs au sol mais qui, par leur technique, sont toujours à contre-pied de leurs défenseurs.

Michel Fontaine –

Mais je crois que ce qui marquera le plus chez Pierre, qu’il soit le joueur ou le coach, c’est vraiment l’homme. Pierre c’était l’homme bon. Celui qui enrichissait les autres dans l’équipe. Quand il jouait, il travaillait pour le collectif. Là quand il entrainait les benjamins de la JL amateur, il enrichissait ses 8 gamins et il les entrainait avec le même enthousiasme et le même professionnalisme que quand il entrainait les pros de la JL. Il y a plein de mots qui ont circulé sur les réseaux sociaux, des adjectifs, des qualificatifs qui lui vont très bien, on peut tous se retrouver dans ces qualificatifs mais lui c’était tout ça, c’était l’homme bon qui enrichissait les autres. Je crois que c’est et ça a été quand même un formidable éducateur ces dernières années. Je ne sais pas si on retrouvera des éducateurs comme cela.

Bernard Coron –

Une de ses qualités c’est qu’il était très humble, c’était un garçon impressionnant là-dessus : alors qui pouvait faire des choses brillantes, il était humble comme pas possible. Il pouvait entrainer la dernière équipe de France, il allait préparer l’entrainement comme si c’était des pros.

"Il ne faisait que donner et malgré tout, il était quand même animé par la gagne et la compétition"

Michel Fontaine –

Je regarde les photos des U18 reçus à la Mairie lorsqu’ils ont été Champions, on remet la médaille de la ville de Bourg à Pierre pour cette occasion. Sur la photo, il se cache derrière Julien, on le voit un tout petit peu alors que c’est lui qui est la vedette ! Pareil pour la photo le jour du Final Four, vous regarderez la photo, on le voit à peine !

Julien Desbottes –

C’est ça qui est assez fou dans sa personnalité. Au final, avec toute cette humilité, il donnait énormément. Il ne faisait que donner et malgré tout, il était quand même animé par la gagne et la compétition et c’est ça qui m’interpelle le plus moi, c’est d’arriver à comprendre comment un mec qui est aussi bon avec les autres, peut en même temps avoir quand même cette envie de gagner au fond de lui. Parce qu’il adorait la victoire ! Souvent quand tu joues pour la gagne, il y a un moment où c’est plus fort que toi, alors que lui non.

©Jacques Cormarèche
Bernard Coron –

Quand il a repris le groupe Pro A à l’époque, il y avait un groupe qui était difficile au possible notamment avec les deux clans entre les Français et les Américains.

Certains, c’était quand même des stars en Europe, ils jouaient dans des grands clubs européens mais Pierre, même avec ces joueurs-là, il était à l’aise. Il n’avait pas de problème parce qu’il maitrisait tellement son sujet : le basket. Et puis par rapport à beaucoup de coachs, qu’il entraine des cadets ou des minimes, la veille au soir il a bossé 2 à 3 heures sur un entrainement, il n’arrivait jamais les mains vides, tout était préparé.

Gérard Mirmand –

Pierrot ce que je retiens de lui moi, c’est la période des 5, 6 dernières années où il coachait les cadets, les U18. Moi j’allais le dimanche après-midi à Amédée Mercier pour le voir. J’y allais avec plaisir parce que c’était justement un vrai plaisir de le voir coacher ces gamins à ce moment-là. Franchement, j’imagine Pierrot dans toutes ses équipes un peu comme ça.

"Je pense qu’il était vraiment au sommet de son art."

Julien Desbottes –

Moi j’ai eu l’impression, de l’extérieur, qu’il avait vraiment progressé et qu’il était au summum de son art là. Quand il est revenu de l’Asvel, la manière dont il coachait… Il était capable de sa propre analyse. Il préparait ses entrainements c’est vrai, mais je pense qu’il se préparait aussi lui beaucoup, à savoir avec chacun comment agir, c’était vraiment à la carte et c’est toujours les bons mots avec les bonnes personnes. Oui, je pense qu’il était vraiment au sommet de son art. Il dégageait quelque chose et c’est vrai que pour les jeunes, c’était vraiment un luxe d’avoir un mec comme lui, qui n’est jamais allé dans le jugement. Il savait aussi les bousculer, mais toujours avec les bons mots. C’était le sommet de son art.

Michel Fontaine –

Très important ce que tu dis Julien : il n’était jamais négatif, jamais dans le jugement. Que ce soit avec quelqu’un qui ait joué 3 minutes ou 38 minutes, c’était la même chose. Celui qui avait joué 3 minutes, il était aussi positif avec lui et il lui apportait quelque chose. 

Gérard Mirmand –

Et en tant que Président, il n’était pas du tout exigeant, il ne demandait jamais rien ! 

Julien Desbottes –

Mais même maintenant, moi je le forçais à parler rémunération, il ne voulait jamais l’aborder ! À un moment j’étais tellement gêné, je lui ai doublé son salaire ! (rire)

Bernard Coron –

Je me rappelle d’un jour, on discutait tous les deux, on était dans l’ancienne salle et puis on parlait un peu de l’évolution du club, des sponsors… Et d’un seul coup il me dit, « mais Bernard », puis il tend le bras et il montre le terrain, « tu vois c’est là que ça se passe, si les sponsors ont de l’émotion, ils reviendront, si on ne leur donne pas d’émotions, tu ne les verras plus ». Il avait 100% raison. Un sponsor qui vit une émotion il revient l’année suivante, s’il s’ennuie on ne va pas le revoir et ça il le sentait. Lui c’était le terrain, le terrain, le terrain… il dit « l’émotion elle est là ».

"C’était un éducateur par l’exemplarité"

Gérard Mirmand –

Autre chose aussi, quand on allait voir les U18 à la JL quand le match était fini, les joueurs se lèvent et le banc est nickel, il n’y a rien. Pierrot leur a appris à nettoyer, à ramasser les bouteilles, ramasser les serviettes… moi ça m’a marqué et je pense que l’éducation commence par là.

Michel Fontaine –

C’était un éducateur par l’exemplarité, il était exemplaire Pierre. Cette anecdote que tu nous racontes, personne n’a jamais vu Pierre ne pas repartir avec sa bouteille qu’il avait amené ou donner un coup de pied dans la bouteille ou des choses comme cela. Il montrait l’exemple et les jeunes se comportaient comme Pierre et ça c’était important.

Julien Desbottes – 

C’est un symbole un peu de la manière dont il apprenait les choses. Mais ce n’était pas un père de substitution, il avait vraiment le bon positionnement, il ne se substituait pas non plus aux parents, ça c’est important aussi, il n’était pas dans ce positionnement-là. 

Gérard Mirmand – 

Moi ce que je retiens aussi de lui c’est, il n’y a encore pas longtemps, à 8h du matin amené un gamin chez le Docteur Devaux, d’attendre pour le remmener à l’école, des fois à 7h45 il venait à vélo. C’est un entraineur, un éducateur, un basketteur… mais c’est aussi l’homme.

"Qu’est-ce qu’on a bien fait de demander à faire le Final Four à Ekinox"

©Jacques Cormarèche
Gérard Mirmand – 

Et il est parti sur une apothéose, pour moi il ne pouvait pas mieux finir. 

Julien Desbottes – 

Non mais c’est sur et quand il a été malade franchement on s’est dit mais qu’est-ce qu’on a bien fait de demander à faire le Final Four à Ekinox. Il y avait plusieurs candidats et un lundi midi on en a parlé, on a dit  « on va candidater pour ça ». Et là c’est vrai que quand on a vu l’enthousiasme et le basket proposé… Zack Wright et Zack Peacock sont venus, et ils n’en revenaient pas, mais vraiment ils n’en revenaient pas, de la qualité de jeu proposé !

Bernard Coron – 

L’Asvel et Nanterre qui sont quand même deux locomotives, et Strasbourg avant, c’est extraordinaire. Puis la Coupe de France l’année d’avant à Bercy. Il a vraiment fini avec deux titres en deux ans !

Julien Desbottes – 

C’est vrai qu’il était conscient de son état lors des derniers jours, il a renoncé aussi en disant la maladie a gagné, mais par contre il n’avait aucune rancune. Pour moi, il n’y a pas meilleur symbole du club que lui, par ce qu’il est, par ce qu’il représente. Franchement pour moi c’est le plus gros symbole de notre club et il a été serein à la fin aussi, il pouvait parlé de ça, il pouvait parlé de l’Europe aussi. Il est tellement bon que à un moment on se dit, mais à quel point il s’oublie lui-même, parce que ce n’est pas aussi facile que ça de donner en permanence, j’ai trouvé qu’il était aussi serein que possible dans les derniers instants. 

"Pour moi, il n’y a pas meilleur symbole du club que lui, par ce qu’il est, par ce qu’il représente"

Bernard Coron – 

Il a eu une telle évolution dans le basket aussi ce garçon…

Julien Desbottes – 

Et il a toujours été à la page, il a toujours été dans le coup ! Là par exemple à Ekinox, je lui ai dit, « il faut que ça soit ta nouvelle maison, vraiment que ça soit comme la rue Charles Robin » et il était comme un gamin parce que c’était un enfant quand même dans sa tête, il jouait, il aimait bien taquiner, ça restait un grand gamin. Je trouve qu’il a vraiment été d’une modernité absolue parce que c’était pas très facile de passer 20 ans de ta vie rue Charles Robin et après d’aller à l’Asvel et ensuite de revenir et te sentir quand même chez toi… Il a eu la capacité aussi à ne pas trop se poser de questions et de vivre avec le naturel.

Bernard Coron – 

Le basket efface tout pour lui.

Julien Desbottes – 

Mais ce n’est pas le cas de tout le monde tu vois et donc c’est formidable comme le basket a changé et la JL a changé et lui, de rester à la page comme ça, c’est extraordinaire.

Mais c’est aussi ça qui marche chez Pierre, il a donné aux entraineurs des clubs, on a l’impression que le basket de l’Ain est marqué parce qu’il n’a pas uniquement rayonné sur la JL mais il a rayonné sur tout un territoire.

Julien Desbottes – 

Il a entrainé des filles, il a entrainé des garçons, le moindre tournoi il y était, les stages l’été, il y était, il arbitrait les dimanches matins… Moi j’en parlais avec ma femme, elle me disait qu’ils avaient fait une fête le soir aussi tous ensemble et le lendemain il était à 8h30 à Péronnas ils avaient fait nuit blanche, il était à l’arbitrage à 8h30 le dimanche matin.

Michel Fontaine – 

Tout le monde le connaît au niveau du basket départemental, même les gens qui n’ont pas eu le contact avec lui. Les tournois de fin de saison de gamins ou de jeunes, il y avait toujours Pierrot Murtin qui était là. 

©Christelle Gouttefarde
Julien Desbottes – 

Ses entrainements c’était de la folie, c’est vrai qu’il n’avait jamais deux fois le même entrainement, il se forçait à trouver des exercices différents pour travailler la même chose mais il n’y avait aucun effet de lassitude et il y avait un travail énorme pour préparer ça. C’était un très grand monsieur. 

Bernard Coron – 

Et surtout il laissait les joueurs s’exprimer sur le terrain, c’est vraiment l’un des rares coachs laisser les gamins comme ça en match. La finale des U18 contre Nanterre, il n’a pas demandé un temps mort ! C’est impressionnant de faire tout un match, toute une finale U18 et ne pas demander un seul temps mort.

Julien Desbottes – 

Après la demi-finale de U18 contre l’Asvel, à la fin du match dans le vestiaire d’Ekinox, il a été vraiment exceptionnel à mes yeux. Il leur a dit que c’était lui qui avait fait des erreurs de coaching, qu’il n’avait pas été bon dans ses rotations, qu’il avait pris un peu de retard, que c’est ce qui avait remis l’Asvel dans le match. Et donc il s’excusait auprès d’eux, qu’il n’avait pas été bon dans le coaching. Et à ce moment là, il le dit vraiment avec sincérité, parce que c’est sa manière de voir les choses. Voir des coachs comme ça, qui s’excuse, c’est rare.

C’est ça qui fait la richesse de Pierre, c’est l’apport qu’il a fait, la modestie et sa simplicité."

Bernard Coron – 

Il était bien dans ce club, à la JL, c’était sa maison, sa philosophie de vie.

Julien Desbottes – 

C’est pour ça que c’est très difficile d’en garder vraiment un héritage au sens où il est complètement irremplaçable, il est tellement unique dans pleins de rapport. 

Michel Fontaine – 

C’est aussi ce qui le fait regretter, c’est que tous les gens qu’il a rencontré, il a apporté quelque chose. Le minime ou le benjamin qu’il a rencontré, il lui a apporté quelque chose et c’est ça qui fait la richesse de Pierre, c’est l’apport qu’il a fait, la modestie et sa simplicité.

À toi Pierrot.

Un grand merci à nos quatre Présidents pour leurs témoignages.
 
Ses collègues et jeunes nous racontent également Pierrot dans de prochains articles.